Les menaces
pesant sur les mammifères marins
Les mammifères marins sont soumis à de nombreuses menaces. La plupart sont liées aux activités humaines. Découvrez les menaces qui pèsent sur ces espèces.
La chasse à la baleine
Les premières traces de chasse à la baleine remontent à la préhistoire mais c'est à partir du 18ème siècle qu'elles ont été massivement chassées jusqu'à l'extinction de certaines espèces. À la fin de la seconde guerre mondiale, alors que les populations de grands cétacés sont au plus bas, la Commission baleinière internationale (CBI) est créée avec pour objectif de garantir la bonne conservation des stocks de baleines tout en permettant le développement ordonné de l'industrie baleinière. Actuellement, elle regroupe 88 gouvernements de pays du monde entier.
Trois formes de chasse sont identifiées par la CBI :
- La chasse aborigène de subsistance qui concerne les peuples dont la survie en dépend et qui n'en tirent pas de profit ;
- La chasse scientifique qui autorise exceptionnellement le prélèvement d'individus dans un objectif de recherche ;
- La chasse commerciale dont les quotas sont fixés à 0 depuis 1986, et donc interdite jusqu'à présent dans les eaux des pays membres.
La chasse commerciale à la baleine est officiellement pratiquée par quelques pays comme le Japon, la Norvège et l'Islande dans leurs eaux territoriales. Les petits cétacés (essentiellement les dauphins et les globicéphales) sont chassés dans certains pays comme les îles Féroé, le Japon et les îles Salomon.
La chasse à la baleine dans la Caraïbe
Dans les eaux du Sanctuaire Agoa, le droit français protège les mammifères marins en général. La chasse y est donc interdite.
Cependant, à l'échelle de la Caraïbe, une chasse traditionnelle se pratique toujours à Saint Vincent et les Grenadines. Elle est reconnue par la CBI au titre de la chasse aborigène avec un quota imposé de 28 baleines pour la période de 2019 à 2025. Sur l'île de Sainte-Lucie, la chasse aux petits cétacés est également pratiquée mais peu de chiffres existent sur ces prélèvements.
La pollution acoustique et ses effets sur les cétacés
Chaque cétacé possède des caractéristiques auditives différentes et peut être sensible aux basses, moyennes ou hautes fréquences. En mer, l’Homme produit de plus en plus de bruits sur ces différentes fréquences, pouvant entrainer des modifications comportementales et dans le pire des cas, altérer de façon irréversible leur audition.
Pour les cétacés, ces sons peuvent être une gêne lors de la recherche de nourriture ou provoquer un arrêt des communications entre animaux. Ils peuvent affecter physiologiquement les animaux en entrainant des hémorragies internes ou des lésions tissulaires au niveau du système auditif.
Les bruits anthropiques ont de nombreuses origines comme les recherches sismiques ou encore les sonars militaires. Les travaux sous-marins et de recherche pétrolière et gazière génèrent une pollution acoustique importante à cause des techniques employées, comme les explosions ou les sonars, et des engins utilisés, comme les dragueuses ou les foreuses. Le trafic maritime (navires de plaisance ou commerciaux) engendre aussi une forte pollution acoustique. L’économie humaine repose sur les échanges entre les pays et donc sur le trafic maritime. Les océans sont ainsi parcourus sans cesse par de nombreux navires créant un environnement sous-marin particulièrement bruyant pour les mammifères qui y vivent.
La pollution acoustique, une cause d'échouage des cétacés ?
Le lien entre les échouages et le bruit anthropique est difficile à identifier car il nécessite une nécropsie spécifique sur des animaux morts très récemment. Pour des raisons financières et pratiques, les conditions sont rarement remplies pour effectuer la nécropsie. Ce lien a cependant été clairement prouvé concernant les grands plongeurs, et en particulier les baleines à bec. Pour les autres espèces, on constate que de nombreux échouages massifs coïncident avec de forts bruits anthropiques comme l’activité des navires, les tirs sismiques ou encore l’utilisation de sonars à l’occasion d’exercices spécifiques.
L'observatoire acoustique du Sanctuaire Agoa
Les pollutions physiques et chimiques
Les mammifères marins sont des prédateurs. Selon leur niveau dans la chaine alimentaire, ils concentrent plus ou moins les polluants chimiques dans leurs corps. C’est le phénomène de bioaccumulation.Les grands prédateurs, en haut de la chaine alimentaire, accumuleront dans leurs tissus adipeux de plus en plus de polluants au cours de leur vie.
Ces polluants comme les métaux lourds, les hydrocarbures, les pesticides et autres polluants organiques vont provoquer des perturbations endocriniennes, affecter leur fertilité et dégrader leurs systèmes rénaux, cardiaques et respiratoires. Mais rappelons que s’ils touchent les mammifères marins qui sont protégés, ils contaminent également des espèces consommées par les hommes !
La majorité des plastiques polluant les océans viennent de la terre et sont acheminés par les cours d’eau ou l’air, l’autre partie provenant des activités en mer. Ils ont un impact physique sur les mammifères marins qui les ingèrent ou s’y emmêlent (dans les filets de pêche abandonnés par exemple), mais aussi chimique en se décomposant lentement dans le milieu marin. Les déchets ingérés peuvent obstruer le système digestif et empêcher les animaux de s'alimenter.
Les collisions entre cétacés et navires
L’économie humaine repose sur les échanges entre les pays et donc sur le trafic maritime. Les océans sont ainsi parcourus sans cesse par près de 100 000 navires de commerce. De par son ampleur, cette activité est la source de nombreuses nuisances pour les mammifères marins, comme la pollution acoustique et la pollution chimique. Depuis les années 1990, une autre menace a été identifiée : les collisions.
Les collisions entre navires et grands cétacés existent partout où le trafic est dense et les concentrations d’animaux élevées. Elles représentent aujourd’hui une menace pour plusieurs populations de baleines à travers le monde, et notamment pour la baleine franche de l’Atlantique Nord, reclassée en Danger Critique d’Extinction en 2020, et dont il ne reste que 400 individus environ.
Les causes des collisions sont peu connues mais il semblerait que les jeunes adultes, moins expérimentés, soient plus souvent victimes des collisions. Par ailleurs, le bruit émis par les navires se propage vers l’arrière, rendant leur détection moins évidente. Une étude utilisant des balises posées sur des baleines bleues en Californie a effectivement montré que les individus réagissaient au dernier moment à l’approche d’un navire.
Des solutions aux collisions au niveau mondial
Plusieurs actions sont envisageables pour réduire le risque de collision mais aucune n'est totalement satisfaisante. Le déplacement des voies de navigation en-dehors des zones les plus fréquentées par les baleines semble être la meilleure option.
La réduction de la vitesse des navires est également efficace car c'est un facteur clé : un navire allant plus vite laisse moins de temps à l'animal pour l'éviter. De plus, si la collision n'est pas évitée, une vitesse élevée amoindrira les chances de survie.
REPCET®, un outil anti-collision
Le trafic maritime est une activité vitale pour l’économie insulaire des Antilles. Un trafic important existe entre les différentes îles, le risque est donc réel au sein du Sanctuaire Agoa.
La loi du 8 août 2016 contraint tous les navires de plus de 24 mètres battant pavillon français et navigant plus de 10 fois par an dans les Sanctuaires Agoa et Pelagos à s’équiper d’un dispositif de partage des positions de baleines dans le but d’éviter les collisions. Le logiciel REPCET®, pour REPérage des CETacés, a été développé dans ce but en Méditerranée française et pourrait être utilisé dans la Caraïbe.
Les interactions entre la pêche et les cétacés
Trois milliards de personnes dépendent des produits de la pêche comme source principale de protéines. La pêche est aussi le moyen de subsistance principal de près de 900 millions de personnes sur la planète. Si cette activité apparait comme un pilier de l'économie mondiale, elle affecte pourtant l’environnement marin et plus particulièrement les mammifères marins.
Les captures accidentelles
Attirés par les mêmes proies, il n'est pas rare que cétacés et humains se retrouvent autour des bancs de poissons. C'est ainsi que les dauphins par exemple, en chassant le hareng aux côtés des thons, peuvent se retrouver coincés dans les filets des thoniers senneurs. Mais les filets dérivants et les différentes lignes de pêche génèrent aussi des captures accidentelles. Ces captures sont aussi appelées "accessoires" puisque ces espèces protégées ne sont pas ciblées. Elles ne seront pas débarquées et leurs dépouilles seront rejetées à l'eau.
Si les dauphins peuvent mourir asphyxiés, ne pouvant se libérer des engins de pêche pour remonter respirer à la surface, les animaux plus robustes comme les baleines s'en sortiront peut-être mais au prix de profondes cicatrices.
On estime que chaque année, 300 000 cétacés sont ainsi capturés de manière accidentelle à travers le monde. Ce phénomène représente la première cause de mortalité pour les cétacés dans le monde.
La surpêche
Plus de 90% des stocks de poissons sont exploités au maximum de leur capacité ou surexploités. Or certains de ces stocks constituent la source principale de nourriture de plusieurs espèces de cétacés. La diminution de leurs ressources alimentaires pourra engendrer le déplacement des populations vers des zones plus riches, voire la disparition locale de certaines populations.
Une cohabitation difficile entre pêche et cétacés...
La compétition pour la ressource a exacerbé les tensions dans de nombreuses régions du monde. En effet, les cétacés prélèvent parfois les poissons directement dans les filets ou sur les lignes des pêcheurs, causant une perte de revenus importante et une détérioration d’un matériel de pêche couteux à réparer ou à renouveler. C’est ce qu’on appelle la déprédation.
…mais parfois harmonieuse
Dans plusieurs régions du monde cependant, une collaboration volontaire s’est installée entre dauphins et pêcheurs artisanaux. Les premiers rabattent les poissons vers le rivage tandis que les seconds lancent leur filet. Les pêcheurs capturent ainsi plus de poissons et les dauphins attrapent plus facilement des proies désorientées et isolées.
Évaluation des interactions entre la pêche professionnelle et les mammifères marins dans les Antilles françaises
Quelles interactions se produisent, quels sont les risques et quelles mesures de gestion mettre en place pour y remédier ?
Le changement climatique : quel impact sur les cétacés ?
Le changement climatique affecte les mammifères marins de façon directe et indirecte. Leurs habitats sont transformés et leurs ressources alimentaires diminuent.
La diminution des ressources alimentaires
Les gaz à effet de serre sont principalement issus de la combustion des énergies fossiles que sont le pétrole, le gaz et le charbon. Un partie de ces gaz est absorbée par l'océan, ce qui a pour effet d'acidifier le milieu marin et d'augmenter la température de l'eau.
Ce processus d'acidification pourrait affecter gravement les populations de mammifères marins en raison de son impact sur leurs proies. Beaucoup d’invertébrés, comme les calmars ou le zooplancton qui est constitué de micro-organismes à la base de la chaine alimentaire, fabriquent et consolident leur squelette interne ou externe (coquille) via des processus chimiques complexes. L’acidification des océans bouleverse ces processus et fragilise ces structures, diminuant ainsi le taux de survie et de reproduction de ces espèces. Leurs populations diminuent et donc le stock de proies des mammifères marins également.
Pour fuir la hausse de température de l'eau, certaines espèces se déplaceraient vers des eaux moins chaudes. Le krill par exemple, alimentation principale de certaines baleines, se rapprocherait de la péninsule arctique. En d'autres termes, l'étendue de la zone d'alimentation des baleines se réduirait. La changement climatique aurait également une influence sur la reproduction du krill, empêchant de réunir suffisamment régulièrement les conditions favorables à cette reproduction. Le stock alimentaire de certains cétacés serait donc lui aussi réduit.
En conséquence, les mammifères marins pourraient être amenés, dans certains cas, à parcourir entre 200 km et 500 km supplémentaires afin de trouver leur nourriture. En découle une plus grande dépense énergétique qui pourrait affaiblir leurs chances de se reproduire. La baleine à bosse par exemple ne met bas que lorsque les conditions pour alimenter son petit sont favorables.
La modification de la répartition des populations
Les mammifères marins, comme tous les êtres vivants, se répartissent à la surface du globe selon des barrières géographiques définies par les différences thermiques entre les masses d’eau (créant notamment les grands courants marins) et par des conditions environnementales liées à leur cycle de vie. Si ces conditions changent, alors leur répartition et leurs déplacements en seront affectés. Ainsi, toute une chaîne alimentaire peut être déséquilibrée, du plancton aux mammifères marins, par le remaniement des courants marins, de la température et la salinité des océans, et par l’élévation du niveau de la mer notamment dû à la fonte des glaces.
La diminution des chances de reproduction
Cette augmentation de température pourrait aussi perturber la reproduction des mammifères marins, diminuant les chances de procréation en ne leur fournissant pas les conditions optimales et en modifiant leurs habitats de reproduction. Certaines espèces comme la baleine à bosse ont des zones d'alimentation et de reproduction différentes et effectuent de longues migrations pour rallier l'une à l'autre. Mais si elles aiment se reproduire dans les eaux chaudes des Antilles, elles ne tolèreront pas une température supérieure à 28°C. Elles pourraient alors se disperser vers de nouveaux sites de reproduction.
Certaines espèces ou populations pourraient disparaitre des eaux chaudes des Antilles. Cela aurait notamment un impact socio-économique important puisque ces animaux suscitent l'intérêt des touristes.
Les mauvaises pratiques d'observation des cétacés en mer
Le tourisme d’observation des mammifères marins connait un succès grandissant dans le monde entier. Il développe une économie locale importante (revenus et emplois) dans les régions côtières. L’observation responsable permet de sensibiliser le public et participe à l’effort de recherche scientifique, lorsque les navires commerciaux participent à la collecte de données.
Cependant, lorsqu’elles ne sont pas bien faites, ces observations ont des conséquences néfastes sur les animaux. Elles provoquent des modifications des séquences de nage (plongées plus longues, plus fréquentes et plus profondes) et des changements rapides de direction pour éviter les bateaux qu’ils peuvent considérer comme de potentiels prédateurs.
Ces dérangements peuvent interrompre des comportements naturels comme l’alimentation, la sociabilisation, le repos ou encore la reproduction, et générer des dépenses énergétiques supplémentaires importantes. Les conséquences pourraient être graves et entrainer un déplacement des populations, une diminution du succès reproducteur voire même une mortalité accrue.
Prenons l’exemple des baleines à bosse qui viennent se reproduire et mettre bas dans les eaux chaudes. Des dérangements répétés pendant cette période peuvent être nocifs et parfois mortels pour les mères et leur baleineau. Savez-vous qu'elles arrêtent de s’alimenter lorsqu’elles sont dans nos eaux tropicales pour élever leur petit ? Les dérangements génèrent des comportements d’évitement et de fuite gourmands en énergie pour cet animal qui vit sur ses réserves à cette période. Que va-t-il alors se passer lorsqu’elle va devoir migrer à nouveau vers les eaux plus froides pour recommencer à s’alimenter mais qu’elle n’aura plus assez d’énergie pour supporter cette longue migration à jeun ? Qu’adviendra-t-il du petit qui pourrait ne jamais atteindre la zone de nourrissage ?
L’observation raisonnée des mammifères marins peut avoir des avantages économiques et éducatifs, mais elle doit impérativement être encadrée pour limiter l’impact de ces dérangements sur les animaux.
Les bonnes pratiques d'observation des cétacés dans le Sanctuaire Agoa
crédit photo du bandeau : Souffleurs d'écume